Cameroun: le choix de la reconversion professionnelle pour certains déplacés économiques de Nachtigal [3/3]
Le chantier de la future centrale hydroélectrique de Nachtigal a créé plusieurs milliers d’emplois dans la région, mais il a aussi fait des déplacés économiques. Selon la Nachtigal Hydro Power Company (NHPC), plus de 1 600 personnes ont été affectées par le chantier. Principalement des personnes riveraines du fleuve : agriculteurs, pêcheurs, sableurs, marayeuses. Pour survivre économiquement, certains ont fait le choix de la reconversion professionnelle.
De notre envoyée spéciale à Batchenga.
Au bord de la route, à quelques pas de la mairie de Batchenga, les affaires vont bon train pour Florent Lamour Sindono Mbatoua, désormais à la tête de sa propre société. « Ici, nous fabriquons des parpaings pour construire les constructions. J’ai des employés. Ils sont actuellement au chantier », dit le chef de l'entreprise « Établissement Mbatoua et fils ».
Avant, Florent déchargeait les pirogues de sable sur les rives du fleuve Sanaga. Une activité stoppée nette par la construction du barrage hydroélectrique. La NHPC lui propose alors une indemnisation de 1,2 million de francs CFA. « Il y avait de quoi s’inquiéter, parce qu'on est habitués à travailler chaque fois pour gagner de l’argent. À un certain moment, on te dit : "on va te payer pour que tu puisses arrêter ce que tu fais". Donc, il y avait de quoi s’inquiéter », rappelle-t-il.
En plus de son indemnisation financière, l’ancien sableur se voit proposer une formation à l’entrepreneuriat. Catherine Gaëlle Minya est directrice environnement et social à la NHPC. Elle supervise l’accompagnement des populations affectées.
« Nous avons ce que nous appelons les plans individuels de reconversion », explique-t-elle. « Nous travaillons avec des partenaires, des associations, des ONG qui rencontrent la personne affectée, identifient avec elle l’activité dans laquelle elle voudrait se reconvertir, identifie les moyens techniques, humains, financiers, qu’il faudrait pour cela ; les formes et font un suivi pour nous assurer que nous progressons vers cette restauration. »
Des indemnisations insuffisantes et tardives
Les compensations proposées répondent aux critères établis par la Société financière internationale (SFI), le service de prêt au secteur privé de la Banque mondiale. Mais en juin 2022, IFI Synergy Cameroon adresse une plainte à la Banque africaine de développement. L’ONG pointe plusieurs manquements, notamment des indemnisations insuffisantes et tardives.
« Pour ce qui concerne la plainte avec l’ONG, effectivement, vous savez, déjà à notre niveau, nous avons un mécanisme de gestion des conflits. En cas de plainte, nous avons des relais communautaires sur le terrain qui recueillent les préoccupations soulevées par les populations et nous déroulons effectivement un mécanisme en concertation avec les personnes affectées », souligne Catherine Gaëlle Minya.
« Maintenant, concernant la plainte à laquelle vous faites référence, nous sommes – avec les concernés – assis tous ensemble à la table de discussion et le processus est en cours. » À la question de savoir si toutes ces personnes ont reçu leur indemnisation, Catherine Gaëlle Minya répond : « Les indemnisations sont dispensées selon un timing. Et dans le cas que vous mentionnez, il y en a effectivement qui ont reçu leur indemnisation. »
Selon le décompte effectué par la NHPC, plus de 1 600 personnes ont été affectées par la construction de Nachtigal : 976 sableurs, 150 agriculteurs, 134 pêcheurs et 89 marayeuses.
Cet article a été publié sur RFI.