Dans le parc des Virunga, le plus ancien d’Afrique, des hommes et des animaux menacés par la guerre en RDC
Le parc national n’est pas épargné par le conflit qui oppose les insurgés du M23, épaulés par le Rwanda, et les Forces armées congolaises alliées à des groupes progouvernementaux.
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Le troupeau d’éléphants du parc national des Virunga, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), est-il toujours le plus grand d’Afrique ? Depuis que les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) sont entrés dans la localité de Rwindi, mi-mars, seule une poignée d’écogardes assure la surveillance des 600 pachydermes qui avaient migré depuis l’Ouganda pour s’installer côté congolais en 2020. Des animaux de plus en plus exposés au braconnage, déplore la direction de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), sans pouvoir préciser combien ont été tués faute de suivi.
Au cœur des conflits entre armées et milices qui déchirent la région des Grands Lacs depuis trente ans, le parc des Virunga n’est pas épargné par les combats qui opposent les insurgés du M23, épaulés par le Rwanda, et les Forces armées congolaises alliées à des groupes progouvernementaux. Au risque de remettre en cause les fragiles avancées en matière de protection de l’environnement observées dans le parc de 7 800 kilomètres carrés ces dernières années.
Au sud des plaines de Rwindi, l’essentiel du territoire qui recouvre les flancs des volcans et les forêts tropicales « est aussi sous emprise du M23 », pointe Corneille Semakuba, coordinateur au Centre de recherche sur l’environnement, la démocratie et les droits de l’homme. La rébellion contrôle également la zone où vivait près d’un tiers de la population mondiale des gorilles de montagne (Gorilla beringei beringei) avant le début de la guerre. « Aucun massacre n’a été rapporté récemment, mais il est difficile de dire combien sont encore côté RDC puisque c’est quasi inaccessible », poursuit Jérôme Lombart, directeur des programmes du parc.
Un peu plus d’un millier de gorilles de montagne
Ces primates sont installés dans le massif des Virunga, entre la RDC et le Rwanda, et dans la forêt de Bwindi, en Ouganda. Selon les dernières estimations, il en reste un peu plus d’un millier sur la planète. Cette espèce « en danger », selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, a connu une croissance démographique inespérée au cours de la dernière décennie. Un succès qui attirait les touristes – près de 3 000 chaque année – avant la fermeture en mars 2020 à cause du Covid-19.
« Environ 40 % des revenus du parc ont disparu du jour au lendemain », indique Olivier Mukisya, le porte-parole des Virunga. Les autres attractions qui faisaient la réputation du parc n’ont pas rouvert, à l’exception du campement de Tchegera, une île du lac Kivu connue pour sa forme en croissant. Le trek pour gravir le volcan Nyiragongo et observer son lac de lave – le plus grand du monde – n’était plus praticable à cause de la dernière éruption de mai 2021 et se trouve aujourd’hui en zone M23.
L’enlèvement de deux touristes britanniques en mai 2018 avait aussi porté un coup dur au parc. Une attaque attribuée aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), créées par d’anciens responsables hutu du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 et installées depuis en RDC. En trente ans, ce groupe armé a fait du parc sa base arrière. Un repaire extrêmement lucratif, notamment grâce au charbon de bois. Dans un pays qui affiche un taux d’électrification parmi les plus bas du continent, la demande est immense et le makala(en kiswahili, la langue régionale), indispensable pour la cuisson, est vendu à prix d’or.
Au moins 500 000 déplacés aux portes de Goma
« Les essences de bois que l’on retrouve à l’intérieur des Virunga, comme le ndobo ou le kiwelewele, brûlent plus longtemps et sont considérées de meilleure qualité par les acheteurs », explique Lara Collart, chercheuse en économie du développement à l’université d’Anvers. Avant la résurgence du M23, ce commerce rapportait plus de 11 millions de dollars (plus de 10 millions d’euros) par an aux FDLR, selon une estimation publiée en 2022 par le Pole Institute, un centre de recherche sur la province du Nord-Kivu.
Mais le chiffre d’affaires de ce groupe hostile à Kigali pourrait avoir été affecté par la présence de l’armée rwandaise et du M23 qui a récupéré le contrôle d’une partie de la zone forestière. « Difficile de dire qui est la tête de ce trafic aujourd’hui. Mais une chose est sûre : la déforestation continue », estime une source de l’ICCN.
Fuyant les affrontements, au moins 500 000 déplacés sont entassés aux portes de Goma dans des camps qui débordent sur les zones protégées des Virunga. « Leur situation est extrêmement difficile et précaire. Pour survivre, ils défrichent pour cultiver et coupent le bois pour cuisiner ou le transformer en charbon pour le vendre », insiste Corneille Semakuba. Avant la guerre déjà, 14 % de la surface totale du parc étaient utilisés illégalement pour l’agriculture et le makala.
Cet article a été publié sur LeMonde