Élections en RDC: déception dans l'opposition après les résultats de la présidentielle
En République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi a été réélu pour un second quinquennat, selon des chiffres officiels publiés le 31 décembre par la commission électorale (CENI). Aucune surprise car les tendances étaient publiées depuis plus d'une semaine. Les Résultats officiels sont cependant contestés par l’opposition qui brandit des irrégularités et cas présumés de fraude, sans vouloir aller jusqu’au bout de la contestation devant la justice.
Les principales figures de l’opposition n’ont pas reconnu leur défaite. Dans une déclaration conjointe, Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Denis Mukwege et six autres candidats ont qualifié ces résultats de « mascarade, une farce », rapporte notre correspondant à Kinshasa, Pascal Mulegwa. Ils ont pointé des irrégularités et exigent la réorganisation des scrutins sans envisager un éventuel recours devant la cour constitutionnelle qu’il juge inféodée au pouvoir.
Déception des supporters de Moïse Katumbi
Après la publication des résultats provisoire de l’élection présidentielle consacrant la victoire de Félix Tshisekedi, dans le camp de son principal adversaire, Moïse Katumbi, les partisans sont partagés entre révolte et colère, pointe notre correspondante à Lubumbashi, Denise Maheho.
Avec une centaine de camarades, Maitre Ali Sudi membre du parti de Moïse Katumbi a suivi la publication des résultats au siège de cette formation politique à Lubumbashi. Il est sous le choc. « C’est une lutte qu’on a menée pendant cinq ans. Le président Moïse Katumbi a une vision pour ce pays. Vu les résultats, nous sommes vraiment déçus. » Déception aussi pour Jacques, gérant d’un bar rencontré sur son lieu de travail : « On a vraiment voulu qu’il soit élu président de la République afin qu’il transforme le pays. C’est une déception pour nous. »
Les jeunes du parti de Moïse Katumbi rejette aussi ces résultats qu’ils considèrent loin de refléter la réalité. Ils attendent de savoir comment réagir, explique Abel Amundala, responsable du groupe : « Au soir de l’élection présidentielle, Moïse Katumbi est sorti vainqueur. C’est le vote organisé au-delà de la date légale qui a consacré la fraude en faveur du candidat Félix Tshisekedi. »
Un « simulacre d’élection » pour Martin Fayulu
Quelques minutes après la publication des résultats officiels, Martin Fayulu s’est exprimé dans un discours, rejetant en bloc ce qu’il a qualifié de « simulacre d’élection ». Il dénonce un « coup d’État » après la publication dimanche après-midi des résultats officiels. L'opposant, arrivé troisième de la présidentielle, charge le président de la Céni Denis Kadima : « M. Kadima et la Céni viennent de franchir le Rubicon. Honte à eux. Tout le monde sait que M. Tshisekedi Tshilongo ne peut en aucun cas gagner une élection organisée régulièrement en RDC. C'est pourquoi je rejette en bloc le simulacre d'élection et les résultats farfelus de la Céni. La crise de légitimité s'enracine davantage dans notre pays. »
Martin Fayulu réitère son appel à réorganiser le scrutin :« N'acceptez pas ce nouveau coup d'État, il nous faut résister comme nous le demande l'article 64 de la Constitution. Il nous faut de nouvelles élections. Des élections crédibles, transparentes, apaisées et impartiales. »
« J’ai le sentiment du devoir accompli », affirme Denis Mukwege
Le Prix Nobel de la Paix et candidat Denis Mukwege dit ne pas être surpris par les résultats provisoires proclamés dimanche par la Céni, selon notre correspondant à Bukavu, William Basimike. Le docteur Mukwege rappelle qu’avant d’annoncer sa candidature, il avait prôné une révolution démocratique pour éviter ce qu’il considère comme une fraude planifiée.
« J’ai fait ma part. Il appartient au peuple de prendre ses responsabilités, dénoncer et résister », dit-il. Denis Mukwege affirme avoir essuyé des insultes, les mensonges et la calomnie, mais en aucun cas, il ne regrette d’avoir posé sa candidature. « J’ai le sentiment de la satisfaction et du devoir accompli », a assuré le docteur. Le candidat numéro 15 regrette que le peuple congolais chemine, selon lui, sans le savoir vers une dictature
Le docteur Mukwege rappelle qu’il souhaitait restaurer la paix et la dignité du peuple congolais, mais le peuple en a décidé autrement, il indique respecter ses orientations. Il rappelle cependant qu’un peuple qui se laisse corrompre, qui ne dénonce pas les injustices et qui applaudit ses bourreaux sans résister à leurs tyrannies est complice de son esclavage et devrait en assumer les conséquences.
« Les choses bougent » pour les femmes, selon la candidate Marie-Josée Ifoku
Il n'y avait qu'une seule femme candidate à l'élection présidentielle congolaise. Marie-Josée Ifoku, ancienne gouverneure de la province de la Tshuapa, est arrivée en 8e position avec moins de 1% des suffrages. Malgré ce faible score, elle estime que sa candidature, sa deuxième après une première participation à la présidentielle de 2018, participe d'un changement plus profond au sein de la vie politique congolaise.
« De manière globale, à travers le monde, il est encore difficile pour les femmes d'accéder à de très hautes responsabilités politiques. Cependant, nous devons reconnaître que les avancées se font. En République Démocratique du Congo, nous avons eu deux femmes présidentes de l'Assemblée nationale, ce n'est pas peu. Donc clairement, le train est en marche. Et notre candidature à la présidentielle s'inscrit dans cette marche. Démystifions ainsi cette image masculine du pouvoir. La population s'habitue peu après à avoir une femme candidate aux élections présidentielles. Et je pense que la prochaine fois, ça se passera mieux. Les choses bougent. »
Des messages de félicitations à Félix Tshisekedi de la part de certains candidats
Plusieurs heures avant l’officialisation des chiffres, Jean-Claude Baende avait déjà félicité Tshisekedi, lui demandant de « diriger autrement dans l’engagement d’un Congo réellement démocratique ».
Adolphe Muzito lui aussi a félicité Tshisekedi, reconnaissant au passage un grand écart des voix entre l’élu et ses challengers. Il espère qu’il « s’attellera très vite à répondre aux priorités du pays ».
Cet article a été publié sur RFI.