RDC: une loi pour sécuriser les petits agriculteurs du Haut-Katanga

En RDC, après une année de plaidoyer de l'Église catholique, pour la première fois, les paysans et les villages de la province du Haut-Katanga, sont sécurisés contre les expropriations des terres agricoles et des délocalisations au profit des miniers et de grands fermiers. L'assemblée provinciale a voté à la fin du mois de juin une loi locale. Celle-ci détermine les terres agricoles, fixe la procédure d’acquisition et les règles à suivre en cas de conflit ou de délocalisation des communautés.

Dans la province du Haut-Katanga, 70% de la population rurale vit de l’agriculture. Mais ces agriculteurs perdent souvent leurs terres suite à l’expansion soit du secteur minier, soit du secteur immobilier. 

Pour l’Église catholique qui a initié cette loi, il fallait protéger ces agriculteurs familiaux. « C’est une initiative qui consiste à mettre à l’abri les agriculteurs de la spoliation et d’accaparement des terres par des puissants qui viennent de la ville et qui exploitent les terres des villageois sans tenir compte de leurs droits », explique Monseigneur Fulgence Muteba, archevêque de Lubumbashi.

Création d'un cadastre agricole

Parmi les innovations de cette loi : la création d'un cadastre agricole. Des inspecteurs du service de l’agriculture et de l’aménagement du territoire vont classifier des terres. Celles consacrées à l’exploitation agricole et celles destinées à l’exploitation minière ou immobilière. Les modalités seront définies à la création. 

Pour Lucienne Buhendwa, une agricultrice, c'est déjà une victoire. « Grâce au cadastre agricole, il est désormais possible d’avoir une cartographie des agriculteurs et des superficies exploitées. Ainsi, on ne pourra plus nous exproprier n’importe comment. Et au cas où le gouvernement veut nous subventionner, il lui sera facile de nous localiser et même de faire le suivi », dit-elle.

Les espaces des villages protégés

Autre innovation : la procédure d’acquisition des terres est simplifiée. Il faudra en faire la demande au chef coutumier. Le paysan pourra obtenir un titre à moindre frais, car le coût du titre foncier est très élevé, explique l’agronome David Kondo. « Quelqu’un peut avoir 20 ou 30 hectares et le coût des documents légaux est de plus de 5 000 dollars. C’est exorbitant par rapport à leurs revenus. Et pour éviter de tout perdre, certains agriculteurs vendent leurs terres et vont acheter ailleurs, loin de leur village. »

Cette nouvelle loi doit permettre aux villages, souvent victimes de délocalisation au profit des exploitants miniers, de saisir la justice, car désormais leurs espaces sont protégés. « En RDC, nos villages n’ont pas de statut juridique », explique Jeff Mbiya, chercheur en mines et environnement. « Or, la plupart des contrats miniers sont signés à Kinshasa, parfois les études sur la vacance des terres ne sont pas menées. On protège les terres qui vont servir de terres arables. Quand un autre demandeur arrive, cela peut être un minier, il sera difficile d’exproprier ou de délocaliser la communauté étant donné que la superficie est déjà sécurisée. »

Enfin, des organisations de la société civile se disent prêtes à accompagner les paysans en cas de litige en justice. 

Cet article a été publié sur RFI.

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